"Un renouveau urbain est en marche en Wallonie. Mais en Flandre, on ne le voit pas"

Guido Fonteyn
Devant la gare de Liège-Guillemins (Photo: Frédéric Pinson, Liegecity.tumblr.com)
Devant la gare de Liège-Guillemins (Photo: Frédéric Pinson, Liegecity.tumblr.com)

Des signes le montrent: les choses bougent dans certaines villes wallonnes. Et désormais, les leviers de l'économie ne sont plus les mines de charbon, les syndicats ou les aciéries; mais bien la Culture. Une nouvelle Wallonie est en marche.

Pourtant, même si la Wallonie sort progressivement d'une profonde récession, nous ne voulons pas le voir en Flandre. Ou plutôt, nous sommes réticents à le reconnaître. Et si les Wallons y parviennent, c'est en partie grâce à une réflexion faite au travers des différentes villes de Wallonie et de leur développement.

Les jardins de La Louvière

Pour mémoire, évoquons Louvain-La-Neuve. Non pas parce que la ville affiche encore un quelconque caractère de nouveauté aujourd'hui, mais bien car des décennies plus tard, on se demande toujours si, à part les étudiants, anciens étudiants et assistants, d'autres habitants peuvent s'y sentir chez eux. Pour ma part, je préfère bien mieux me poser à La Louvière, sans conteste la plus laide ville de Wallonie au premier regard. Mais c'est injustifié.

Littéralement "vallée des loups", le nom de la ville évoque ces canidés qui infestaient autrefois les bois environnants. Avant que les industries du charbon et de l'acier ne la transforment en un point d'activité névralgique. La Louvière en fut complètement transformée, une ville "nouvelle" vit le jour. Certaines industries persistent toujours – Duferco et une entreprise russe – et occupent plus de la moitié de la surface de la ville.

A côté de ça, la ville comprend quelques rues commerçantes, une laide église. Mais surtout, une multitude de jardins dispersés dans la ville.

Site du Bois-du-Luc (Photo: G. Focant/ Tourisme en province du Hainaut)
Site du Bois-du-Luc (Photo: G. Focant/ Tourisme en province du Hainaut)

Cité jardin

La Louvière est la cité des jardins urbains. Le premier d'entre eux, construit en 1810 grâce aux propriétaires de la mine du Bois-du-Luc, est toujours habité et vaut vraiment peine de s'y arrêter. La ville poursuit aujourd'hui encore le développement des jardins de quartier, notamment sous l'appellation de "Cité jardin", où on retrouve de nouvelles constructions s'intégrant et respectant cette tradition verte.

La plupart des Louviérois bénéficient ainsi d'un jardin. Et lors d'une de mes dernières pérégrinations, j'ai – enfin! - croisé un groupe d'étudiants en architecture flamands absorbés par l'observation des particularités de ces jardins urbains.

Sans oublier que la ville de Franco Dragone compte plusieurs musées riches de collections intéressantes d'oeuvres d'artistes surréalistes, De Magritte (qui a grandi et a appris à peindre à Châtelet) à Man Ray. Il est donc temps de changer de regard, de ne plus voir dans cette cité que les traces sans avenir d'un passé fait de charbon et d'acier.

Namur la cossue, Charleroi la délaissée

Sur Namur et Charleroi, je peux être plus succinct. Pour ce qui est de Namur, on y construit un grand centre commercial, implanté à proximité de la principale artère commerciale de la ville: la rue de Fer. L'argument avancé par les défenseurs du projet étant que les commerçants locaux pourront ainsi bénéficier de l'impact de cette infrastructure.

Mais en apparence, rien ne laisse supposer qu'on se trouve dans la capitale de la Région wallonne, riche de tous ces fonctionnaires qui ont fait le choix d'y faire leur vie. De Namur à Dinant, de nombreuses maisons et villas en bord de Meuse accueillent ces nouveaux habitants. Namur apparaît dès lors comme une ville cossue, principalement à fonction résidentielle et destinée à une classe aisée. On est bien loin des jardins populaires de La Louvière.

Le centre-ville de Charleroi est, quant à lui, mal en point après des décennies de mauvaise gestion et de décadence. Mais une nouvelle zone urbaine se développe près de l'aéroport, au nord de la ville, composée d'espaces résidentiels et industriels. Dans le nord Hainaut, à la frontière du Brabant Wallon, les habitations dans se densifient: une sorte de zone "Wallo-Bru" apparaît, pouvant mener à des implications politiques à l'avenir.

Liège, la fierté d'un bourgmestre

Opéra Royal de Wallonie, Liège (Photo: Vincent Lourtie/ Juillet 2013/ Flickr-CC)
Opéra Royal de Wallonie, Liège (Photo: Vincent Lourtie/ Juillet 2013/ Flickr-CC)

Par contre, Liège et surtout Mons méritent que l'on s'y attarde. Ce n'est certainement pas un hasard si l’inauguration officielle de l'Opéra Royal de Wallonie a eu lieu quelques semaines avant les élections communales. Mais le résultat des rénovations subies par le bâtiment de l'institution est impressionnants: le fronton classique se voit désormais coiffé d'un grand cube offrant de nouveaux espaces au bâtiment. Selon le bourgmestre de la ville (et ses disciples), Liège abriterait désormais l'Opéra le plus moderne d'Europe.

Sans aller jusque-là, cet opéra a le mérite de réaffirmer pleinement l'identité du centre ville, au croisement des rues piétonnes et de la place du marché où trône le Perron, symbole de l'esprit principautaire liégeois. Mais plus important encore, il faut compter les investissements réalisés ces dernières décennies dans le secteur culturel.

Et puis bien sûr, la gare de Liège-Guillemins: cette énorme coupole de verre dessinée par l'architecte espagnol Santiago Calatrava, bien plus adaptée à la Catalogne qu'aux hivers froids de Belgique. Sans oublier ce large espace vide lui faisant face, la séparant du reste de la ville et occasionnant de nombreux débat sur la meilleure manière de le remplir.

Mais Elio Di Rupo ne commettra pas la même erreur pour Mons. En 2015, la ville doit figurer comme la capitale européenne de la culture. Avec un slogan: "Mons, where technology meets culture", qui témoigne de beaucoup d'ambition, où Calatrava a également un rôle à jouer.

Devant la gare de Liège-Guillemins (Photo: Frédéric Pinson, Liegecity.tumblr.com)
Devant la gare de Liège-Guillemins (Photo: Frédéric Pinson, Liegecity.tumblr.com)

Mons, la culturelle

Pour 2015, Mons a préféré mettre les nouvelles technologies en avant plutôt que de valoriser un autre patrimoine 

Que Mons investisse autant dans la culture n'est pas un hasard. Cela découle d'un accord peu connu conclu entre les bourgmestres (tous socialistes à l'époque) des quatre grandes villes wallonnes, au moment de l'installation du parlement et du gouvernement wallon au début des années 1980. Une capitale wallonne devait être choisie entre Liège, Charleroi, Namur et Mons. La Flandre avait d'abord opté pour Malines, avant de se raviser pour Bruxelles

En Wallonie, c'est Namur qui devînt terre d'accueil des deux institutions, essentiellement pour couper la poire entre les grandes Liège et Charleroi. Ce compromis historique, toujours d'application et respecté, fut acté: Namur recevant le politique, Charleroi accueilli le social, Liège l'économie et Mons la culture. C'est pour cette raison que le siège de l'ONEM se trouve aujourd'hui à Charleroi et la société d'investissement de Wallonie (SRIW) à Liège. Voilà pourquoi Mons investit depuis longtemps dans le secteur culturel.

Plus que Bruxelles, Mons s'érige comme la capitale culturelle de la communauté française. Sa candidature de la ville pour le titre de capitale européenne de la culture a été soigneusement préparée. Mons profite d'ailleurs de 2015 pour rafraîchir son centre historique et le relier à la partie nouvelle de la ville qui illustre l'aspect "technologie" du slogan, prenant forme derrière la nouvelle gare Calatrava en construction.

Cela fait longtemps pourtant que l'acier et le charbon ne sont plus des facteurs marquants de la ville, comme en témoignent les nombreux terrils présents dans le Borinage. Malheureusement, Mons ne fera rien de ces terrils en 2015, comme si la ville avait honte de son passé. A la place, on a préféré mettre les nouvelles technologies en avant grâce au concours de Google, IBM, Hewlett-Packard et Microsoft, tous établis dans la Digital Innovation Valley (DIV) et collaborant avec les pôles de recherche de l'Université de Mons.

Projets

On a donc peu idée en Flandre de la manière dont certaines villes wallonnes, Mons et Liège en tête, ont dépassé les crises liées aux industries lourdes. Cela n'a pu essentiellement se réaliser que grâce à l'intervention de fonds belges et européens, mais les résultats sont là. Prenez l'exemple de l'entreprise I-Movix, leader mondial dans la technologie du slow motion largement utilisée lors des Jeux Olympiques de Londres: réfléchie dans la DIV montoise.

La Digital Innovation Valley se trouve de l'autre côté de la gare, mais elle s'étend désormais au-delà de l'E19 (l'autoroute de Paris). On a d'ailleurs expressément demandé à Santiago Calatrava d'imaginer un moyen de la relier au centre ville, où des pôles se préparent pour 2015: le "Cultural Mile" avec le théâtre du Manège, Arsonic (nouvelle musique), "Le Lieu Numérique" (nouvelles tendances dans l'art, expérimentations, etc.), le "Carré des Arts" et "Les Abattoirs" (une galerie d'art contemporain).

Le projet de 2015 prévoit également la construction d'une centaine d'appartements qui seront occupés par des visiteurs ou des participants à l'évènement: une sorte de village olympique pour les athlètes de la culture. Bien évidemment, ces appartements survivront à l'évènement.

Un renouveau urbain est donc en marche en Wallonie. Certes inégal entre Liège, Mons et Charleroi, mais la tendance se reflète dans l'élaboration de nouvelles formes d'urbanisme. Malheureusement, on voit également apparaître entre les villages et certaines banlieues les signes d'une nouvelle forme urbanistique: celui de de la fermette flamande, qui s'impose entre les autres formes architecturales de la région.

Grand Place de Mons (Photo: Renaatje/ Juin 2008/ Flickr-CC)
Grand Place de Mons (Photo: Renaatje/ Juin 2008/ Flickr-CC)
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